Deux acrobates extraordinaires donnent vie à une maison en ruine. Il semble qu’un accident ait précédé leur arrivée. Deux personnages entrent dans une bâtisse de bord de mer, entourée de sable. On imagine qu’elle fût une belle demeure à étages. De la mémoire de ce lieu, noirci par l’incendie, subsistent quelques objets, traces d’histoires et de familles : des livres, des tableaux, un téléphone, un transistor… tout un désordre onirique, à la présence presque fantomatique.
Qui sont ces deux hommes qui errent en cet endroit ? Sont-ils frères, amis, ou bien une seule et même présence ? Qu’ont-ils vécu entre ces quatre murs ?
Tels le Clown blanc et l’Auguste, et sous couvert d’un éblouissant dispositif, ils détournent malicieusement les objets de leur fonction première, mêlant avec bonheur cirque, musique et peinture. Sans jamais perdre le Nord !
Une maison comme personnage principal, des fantômes en personnages secondaires. Au milieu, Andrés Labarca et Sylvain Decure donnent vie à une fiction saisissante.
Ne pas se fier au titre de ce spectacle créé au Festival Spring : il reste dans le droit fil de l’esprit de la compagnie Ni Desnudo Ni Bajando La Escalera (« ni nu, ni descendant l’escalier », en hommage à Marcel Duchamp) mais ne saurait raconter la pièce, sa complexité visuelle et fictionnelle, ce je-ne-sais-quoi qui nous reste encore en tête plusieurs jours après l’avoir découverte. Mention spéciale aux ateliers décor de la MC93 de Bobigny qui ont su donner forme à cette maison scénographiée par Justine Bougerol avec la compagnie, et magnifiée à chaque instant par les lumières de Jérémie Papin ! Car la pièce s’ouvre sur une incroyable maison en ruines, qui porte les traces d’un incendie et celles d’une histoire abandonnée là. Un homme s’y aventure, prêt à achever une œuvre comme laissée en suspens : y remettre le feu.
La maison des secrets
Celui qui voulait éteindre définitivement une histoire familiale va sans le vouloir la déterrer. Qui est cet homme apparu sans crier gare, qui semble habiter les lieux depuis des siècles ? La dramaturgie repose sur cette relation à naître, sur l’histoire qu’ils essayent de recomposer, et sur les questions-réponses qu’offre cette maison finalement pleine de vie. On pourrait se situer dans l’esthétique de la catastrophe, du raté et de l’effondrement que les décors de cirque savent souvent mettre en branle. Mais il y a plus de subtilité dans cette relation au lieu et à l’Autre, dans tous ses mystères, dans toutes ses résistances, dans tous ses imaginaires. Les deux hommes sont comme un Clown blanc et un Auguste, chacun dans son rôle. Mais quand le taiseux aérien et le loufoque volubile se rendent compte de ce qu’ils partagent à travers des révélations à tiroirs, on accède à la puissance du spectacle. Sous couvert d’un éblouissant dispositif, il fonctionne finalement par petites touches. Elles nous impressionnent, au premier sens du terme, émus que nous sommes par le secret familial.
Nathalie Yokel (La terrasse)