Si Bertolt Brecht est connu comme le dramaturge et le théoricien du théâtre épique, il n’en reste pas moins un grand raconteur d’histoires, un fabuleux inventeur de situations.
Grand-peur et misère du IIIe Reich a été écrite entre 1935 et 1938 : en observateur acéré de son temps, il décortique la mécanique fasciste et nous montre ce qui mène à l’horreur des camps.
Paysans, soldats, chercheurs, magistrats, médecins... toutes les couches de la société sont scrutées à la loupe dans leurs petites compromissions, leurs stratégies de survie, leurs lâchetés ou leurs actes de résistance, dans une suite de tableaux indépendants les uns des autres, comme autant d’instantanés de l’Allemagne des années 1930.
Pour Julie Duclos, s’emparer de cette pièce poétique, vivante et d’une grande actualité, est une façon de rendre sensible la manière dont “le fascisme s’infiltre peu à peu dans la vie quotidienne, ordinaire”. Comment, au détour d’une parole, d’un regard, d’un silence, le mensonge et la peur s’insinuent dans la chair des gens et modifient leurs relations, y compris, et surtout, là où l’on s’y attendrait le moins. Non pas sur le champ de bataille ou en réunion politique, mais dans l’intimité d’une cuisine, d’une chambre ou d’un bureau. À travers une mise en scène axée sur le jeu d’acteur, et une scénographie vaste et épurée, J
ulie Duclos révèle, comme dans un film qui se déroulerait sous nos yeux, ce qui sourd dans la coulisse de nos existences – une Histoire inexorablement en marche, “à nos portes”.